La Sculpture : les Pluies Une œuvre réactivée de Patrick Dubrac

Le projet

La Sculpture : les Pluies

Avec La Sculpture : les Pluies, Patrick Dubrac cherchait à établir un modèle, un ordre, une nouvelle cartographie à partir des précipitations, phénomène naturel à la fréquence et l’abondance aléatoires.
Entrepris le 1er janvier 1996 et achevé le 30 avril 2004, ce travail de cent mois pose la question de notre relation au temps, à la mémoire et à l’utopie.

[…] Lavoisier ne voyait ni création ni perte dans les éléments constituant le monde. C’est à cette même extraordinaire capacité de transformation que s’en remettent le savant et l’artiste pour élaborer de nouvelles propositions libérées des schémas réducteurs des géographes rigoureux.
Yves-Michel Bernard, Patrick Dubrac, La Sculpture : les Pluies,
Centre d’Art Contemporain de Rueil-Malmaison, 1996.

Le principe est de collecter et mesurer, en utilisant le système métrique, adopté par la Convention nationale le 18 germinal an III (7 avril 1795) « pour tous les peuples et pour tous les temps », toutes les vingt-quatre heures, l’eau de pluie, pendant une période d’un mois, pendant cent mois consécutifs à Châtenet et simultanément dans cent zones de France et d’Europe. Ces zones sont en fait des carrés de 100 km par 100 km, tracés eux-mêmes à partir d’un carré de 1000 km par 1000 km, « centré » sur la France et comprenant une partie de l’Europe.

La réalisation de ce projet passait par l’acceptation d’un geste simple :

À l’aide d’un pluviomètre que je fournis et que vous installez dans votre jardin, sur un balcon, dans une jardinière, sur l’appui d’une fenêtre, il faut collecter et mesurer toutes les vingt-quatre heures, l’eau de pluie, pendant une période de une à quatre semaines. Une présence régulière doit être assurée pour permettre la collecte, la mesure et la transmission des données des quantités d’eau récupérées.
Patrick Dubrac

Au tout début, elle se faisait par le biais d’un dispositif bien plus imposant : un bassin carré de 1 mètre de côté sur 10 centimètres de hauteur, en résine de polyester, d’une capacité de 100 litres.

Pluviomètres en situation

Chaque jour de pluie, Patrick Dubrac réalise alors un dessin, où la quantité d’eau récoltée est reportée à l’aquarelle bleue dans une case de 10 cm de côté subdivisée en 100 carrés à raison d’un litre par carré, et subdivision du litre en quart, demi, trois quart sur le même principe. Le dessin s’inscrit de la gauche vers la droite et de bas en haut, reprenant comme point de départ pour les jours de pluie suivants la fin du dessin précédent et ce, du premier au dernier jour du mois pour chaque lieu. La date du jour, le nombre de litres, le nom du lieu de récolte, sont inscrits sous chaque dessin.
L’ensemble de ces dessins codés peints à l’aquarelle bleue, les cartes géographiques des lieux de récolte, les photos d’inondations et d’évènements liés à la pluie, le nom des participants, les jours sans pluie… sont édités sous la forme de livres d’artiste.

La Sculpture : les Pluies

« Achevée » le 30 avril 2004, La Sculpture : les Pluies se poursuit sous d’autres formes, que ce soit à travers les blocs éphémérides sur lesquels l’artiste, avec l’aide de tampons (« Hier », « Aujourd’hui », « Demain », « Il a plu », « Il n’a pas plu » et « ? »), compose une archive poétique des pluies ou à travers un Échiquier des pluies au domicile de l’artiste.

Continuité des Pluies

La réactivation numérique des Pluies

Dès le début de l’année 2017, la Sculpture : les Pluies a été réactivée numériquement à travers le « Calendrier des Pluies » sur le site de l’artiste.

Chaque mois, nous récupérions les données météorologiques de la station de Limoges-Bellegarde depuis le site prevision-meteo.ch au format CSV ; nous créions alors un article au sein du site et un script se chargeait de générer les graphiques et le poème des pluies, grâce à la librairie D3.js.

Nous avons ainsi pu remonter le temps et proposer de telles représentations à partir de janvier 2004. Au fur et à mesure, les pages du « Calendrier des pluies » se sont enrichies d’enregistrement de lecture des poèmes des pluies, de photographies ou de vidéos de pluie...

Cette première « digitalisation » des Pluies propose ainsi une exploration artistique de l’évolution de la pluviométrie, en lien avec les problématiques soulevées par le réchauffement climatique, interroge notre rapport au climat navigant entre inquiétude quotidienne et questionnement au long cours.

Bien que satisfaisante, cette approche ne manquait pas d’être frustrante notamment de par la latence entre le phénomène observé et son traitement artistique.
À la fin de l’année 2020, l’artiste s’est alors doté d’une station météorologique connectée permettant d’automatiser la remontée de données et d’« autonomiser » la Sculpture : les Pluies.

Dispositif mis en œuvre

Lancé au printemps 2021, le site lespluies.fr est ainsi la continuité d’une longue réflexion, d’ailleurs encore en cours. Le prototype repose alors sur un assemblage de solutions techniques variées, encore bien loin d’un complet DIY (Do It Yourself), et s’appuie sur une architecture relativement complexe et particulièrement fragile :

  • l’idée est d’associer à chaque station météo connectée un Raspberry Pi sur lequel le logiciel météorologique open-source WeeWX est installé ; ce dernier est configuré pour stocker dans une base de données MySQL les données météorologiques ;
  • chacun des Raspberry Pi se doit d’être accessible depuis l’extérieur, tout comme le serveur MySQL/MariaDB qui tourne dessus, ce qui nécessite une configuration particulière à la fois du Raspberry Pi, du pare-feu, de MySQL/MariaDB et de la box Internet...
  • le site lespluies.fr sous SPIP se connecte alors à chacune de ces bases de données et affiche ces dernières de différentes façons.

Parmi les stations compatibles avec WeeWX, nous avons opté pour le moment pour la station météo connectée de la marque Netatmo et son pluviomètre.

Cette première expérimentation a cependant vite démontré ses limites, du fait même de son architecture et de son difficile déploiement.

À l’automne 2021 est alors mise en place une seconde version de lespluies.fr avec pour objectif de faciliter l’intégration de nouvelles stations météo connectées et de rendre cette œuvre bien plus robuste. S’il est toujours possible de connecter des stations météo dont les données sont collectées via WeeWX, l’idée est bien de pouvoir se passer de Raspberry Pi pour les stations de la marque Netatmo.
Ainsi, un plugin pour SPIP a été développé qui permet :

  • soit de synchroniser les données de stations Netatmo grâce à l’API fournie par le fabriquant ;
  • soit de se synchroniser avec une station publiée sur le site PWS Weather ;
  • soit enfin de se connecter à une base de données WeeWX.